Discours de Sophie Borderie

Mesdames et Messieurs,

Chers amis,

Merci à vous toutes et à vous tous d’être venu ce dimanche matin pour parler de l’avenir du Lot-et-Garonne.

Cette réunion n’est ni un meeting politique, et encore moins l’université d’été d’un quelconque parti politique.

C’est, en revanche, un acte politique au sens noble du terme : c’est-à-dire travailler ensemble pour dessiner un projet collectif autour de valeurs communes.

Nous vivons dans un monde qui avance vite, un monde qui change en permanence, un monde dans lequel le temps de la réflexion est souvent sacrifié sur l’autel de l’efficacité, de la performance et de la compétition.

Or gouverner, c’est prévoir ; et la précipitation est l’ennemie de l’anticipation.

Les mois qui viennent de s’écouler nous donnent le sentiment d’une crise permanente. La crise économique et sociale succède à la crise sanitaire qui, elle-même, fait écho à la crise environnementale. Le tout sur fond de crise de confiance à tous les niveaux et de désordres géopolitiques à l’échelle mondiale.

J’ai donc voulu cette journée pour deux raisons essentielles :

  • La première, c’est que l’on ne renouera pas avec la promesse républicaine en réactivant l’esprit de clan. On peut gouverner seul, mais je suis convaincue qu’on ne gouverne bien qu’en fédérant toutes les énergies, toutes les bonnes volontés, du moment qu’elles épousent l’idéal démocratique et républicain qui est le nôtre ! Il est urgent de réactiver l’intelligence collective ; j’y reviendrai !
  • La seconde, c’est qu’il me paraît essentiel de partir des initiatives locales qui ont donné des résultats sur le terrain pour bâtir des politiques publiques acceptées et acceptables par tous.

Le temps des grandes idéologies est révolu car les recettes miracles ont échoué partout ! Le temps des valeurs humaines, écologiques et sociales, lui par contre, me semble venu.

Nos concitoyens ne font plus confiance aux idéologies du 20ème siècle. Non pas seulement parce qu’elles ont déçu, mais surtout parce que toutes postulent la production matérielle et donc la croissance infinie comme seul horizon possible de l’humanité.

Nous savons désormais que ce postulat est intenable. Chaque année, le fameux « jour de dépassement de la terre » recule un peu plus. Seule 2020 fait exception, mais pour les raisons que nous connaissons tous.

En tant que responsables politiques, nous devons en être conscients . Il nous faut entendre ce que dit notre jeunesse quand elle réclame à juste titre une société plus respectueuse de la Nature, plus juste et plus humaine. Ce ne sont pas des utopies d’adolescents, c’est la revendication légitime de grandir dans un monde vivable ! Nous avons eu cette chance. Sachons la leur offrir.

Dans une société aussi fragmentée que la nôtre, il faut un ciment. Pour moi, ce mortier, c’est le socle des valeurs que nous partageons bien au-delà de nos sensibilités philosophiques, générationnelles ou politiques.

Ces différences existent fort heureusement. Et elles doivent nous servir d’exemple pour nous enrichir et non pour nous opposer de façon stérile. Je suis une femme d’écoute et de dialogue. Je ne le renierai jamais !

Alors, oui, il est indispensable que nous nous retrouvions pour dessiner les contours du monde de demain.

Le monde d’après ne sera que déceptions si nous le réduisons à un slogan qui sonne bien sur les tribunes.

Il devient un espoir réaliste si nous commençons à le construire en partant de ce qui existe déjà et qui se fait de mieux.

Notre rassemblement aujourd’hui est donc le premier acte de ces nouvelles confluences que j’appelle de mes vœux.

Pourquoi utiliser cette métaphore ? Notre département est le fruit de la rencontre entre le Lot et la Garonne. Ce sont deux fleuves différents, parfois tumultueux et pourtant, sans eux, notre département n’existerait pas. Au fond, nous ressemblons assez à nos deux grands fleuves fondateurs ! Notre tempérament gascon allie notre impétuosité à cette générosité bienveillante qui caractérise les Lot-et-Garonnais !

Le choix que je fais – et c’est celui de mon équipe – c’est aussi celui de la confluence.

Rassembler ce qui est épars pour faire émerger un projet cohérent, voilà l’ambition qui est la mienne. Un vieux proverbe dit que « rien ne sert d’avoir raison si on a raison tout seul » !

Les tables rondes de la matinée – je salue la qualité des intervenants et des interventions – nous ont démontré que cette ambition est à portée de mains. A nous maintenant de nous en saisir pour les traduire en actes !

Nous avons voulu structurer cette matinée autour de 3 thèmes fédérateurs : l’avenir de la ruralité, parce qu’elle est l’ADN de notre département, l’engagement féminin car c’est un enjeu majeur d’égalité et enfin la démocratie participative qui correspond à une aspiration profonde de notre société.

Pourquoi ces trois thèmes ? Il y en a d’autres tout aussi importants : l’agriculture de demain, l’eau face au changement climatique, l’accès à la culture, l’éducation…J’assume ce choix car pour bien réfléchir ensemble, il faut se fixer un cadre.

Rassurez-vous, je ne négligerai aucun sujet et je vous proposerai d’autres rendez-vous pour aborder les enjeux cruciaux de notre temps.

Pour commencer, la ruralité, je ne veux ni la fantasmer, ni l’ériger comme un totem un peu abstrait. Je constate simplement qu’elle est notre réalité au quotidien avec ses opportunités, ses forces et ses faiblesses. Néanmoins, je ne cultive pas une vision « contemplative » de cette ruralité ! Personne ici, ne veut faire du Lot-et-Garonne une réserve indienne. Pour moi, vivre dans l’espace rural, c’est disposer d’une qualité de vie améliorée pour travailler, pour s’engager dans le tissu associatif, pour faire du sport….bref pour construire un projet de vie plus équilibré. On voit bien qu’entre les métropoles hyper-congestionnées de Bordeaux et Toulouse, nous avons une belle carte à jouer pour offrir un modèle alternatif. Nous avons une carte à jouer quand les prix du mètre carré flirtent avec les 4500 euros à Bordeaux et Toulouse, nous avons une carte à jouer quand tous les matins, il faut plus d’une heure pour traverser la métropole Bordelaise… Notre position idéale à mi-chemin entre les deux grandes aires urbaines du sud-ouest constitue une chance que nous devons saisir.

Alors, c’est à nous de créer les conditions du « bien vivre » dans la ruralité ; ces nouveaux lieux heureux que vous avez évoqués dans les tables rondes.

Ce « bien vivre », il suppose la présence de services publics accessibles et performants, il suppose que l’Etat cesse de se désengager année après année, territoire après territoire.

Ce « bien vivre », il suppose que nous soyons en capacité d’accueillir dignement ceux qui ont choisi le Lot-et-Garonne pour travailler, construire leur foyer ou passer leur retraite. Il suppose que nous soyons suffisamment attractifs pour que nos enfants aient envie de rester au pays.

Ce « bien vivre », il suppose enfin, ce que j’appellerai l’excellence rurale.

L’excellence rurale, nous en avons parlé ce matin quand nous avons réfléchi sur les freins de l’engagement au féminin. Pour certain, l’égalité entre les femmes et les hommes n’est même pas un sujet dans un département comme le nôtre. Je crois que nous avons démontré tout le contraire. Chez nous, il y a des femmes qui créent et développent des entreprises, il y a des femmes agricultrices et même de plus en plus, il y a des femmes engagées dans le monde associatif. Toutes se battent pour une certaine forme d’excellence dans leur domaine et pour faire avancer une cause qui nous est chère : celle de l’égalité et de la lutte contre les discriminations.

L’excellence rurale, c’est aussi ce nouveau pacte démocratique que nous devons sceller localement pour réconcilier les citoyens avec leurs représentants. Là aussi, nous avons su être pionniers en voulant faire du Lot-et-Garonne un département d’initiatives citoyennes. Je ne reviendrai pas sur le Conseil consultatif citoyen, ni sur le budget participatif citoyen que nous avons lancés, mais quand je vois le nombre de projets soumis au vote des citoyens, j’éprouve un sentiment de fierté.

Si j’avais évoqué tous ces sujets l’année dernière, certains, j’en suis certaine, auraient été circonspects. Après la crise sanitaire, les choix politiques que nous ferons prennent un tout autre sens !

Et face aux chantiers qui nous attendent, je suis persuadée que les collectivités territoriales auront un rôle de premier plan.

Reconnaître vraiment la proximité et l’efficacité des collectivités, du tissu associatif et de toutes les forces vives du territoire, préserver un service public fort, complet et performant qui a souvent été fragilisé sur l’autel du libéralisme, reconstruire une autosuffisance alimentaire et industrielle réelle, renforcer les coopérations européennes, voilà les défis qui nous attendent.

Comme souvent, quand le pays traverse des difficultés, les collectivités sont appelées à la rescousse !

La crise sanitaire que nous venons de traverser a clairement révélé la très grande vulnérabilité de nos sociétés libérales, mondialisées et, au fond, hypercentralisées.

A l’inverse, pendant cette période, la sphère locale a fait la preuve de sa réactivité et de son efficacité pour protéger nos concitoyens, pour organiser les chaînes d’approvisionnement et soutenir les plus fragiles d’entre nous.

Demain, les territoires devront donc être un maillon essentiel de la reprise que nous appelons tous de nos vœux.

Dans le monde d’après, nous aurons besoin d’encore plus de solidarité, nous aurons besoin de remettre l’égalité entre les hommes et entre les territoires au cœur du projet national. Cette ambition, c’est justement celle des Départements. Je suis fière d’être à la tête d’une collectivité d’avenir que d’aucuns avaient tellement envie d’enterrer il y a encore quelques mois.

Par ses missions, le Département est au cœur des enjeux de demain ! Nous sommes compétents en matière d’aménagement du territoire, nous avons une grande responsabilité en matière d’éducation avec les collèges, nous développons des politiques sociales innovantes pour accompagner les Lot-et-Garonnais à tous les âges de la vie.

Pour réussir son redressement, la nation aura donc besoin de ses collectivités et en cela, approfondir la décentralisation est plus que souhaitable. Mais, pour que cette ambition ne soit pas un simple slogan électoral, deux principes simples doivent impérativement être respectés.

C’est d’abord redonner aux collectivités territoriales les moyens réels de leur autonomie et de leur libre administration pourtant garanties par la Constitution. Car paradoxalement, au prétexte d’approfondir la décentralisation en confiant aux collectivités territoriales de nouvelles compétences, les gouvernements successifs n’ont eu de cesse, dans les faits, de saper les bases de leur autonomie fiscale et financière.

Nous sommes tous attentifs au bon usage des deniers publics ! C’est normal ! Par contre, infantiliser systématiquement les collectivités en les considérant, au mieux comme de simples agences exécutives, au pire comme les courroies de transmission du pouvoir central, ce n’est pas acceptable dans une démocratie avancée.

Il n’est donc pas envisageable de décider un nouvel acte décentralisateur sans restaurer durablement les marges de manœuvre de nos communes, départements et régions ; marges de manœuvre qui ont été méthodiquement rognées depuis vingt ans.

C’est ensuite, la reconnaissance et la confiance dans les intelligences territoriales je le disais tout à l’heure.

Intervention de David Djaïz

Pendant la crise du coronavirus, les initiatives et les solutions innovantes sont parties du terrain. Elles ont été très rapidement opérationnelles car nos collectivités territoriales ont apporté leur ingénierie, leurs financements et leur logistique pour les soutenir.

Cette agilité a été vitale pendant la crise sanitaire. Elle doit être le second préalable à tout nouvel acte décentralisateur. Dans les faits, cela doit se traduire par l’inscription dans notre architecture juridique d’un véritable droit à l’expérimentation et pourquoi pas à la différenciation qui permettrait, enfin, de mieux prendre en compte et de développer les spécificités locales qui font la richesse de nos territoires.

Ce n’est pas à l’Etat jacobin de dire ce qui est mieux pour les territoires, mais aux territoires de régénérer notre République sociale et écologique.

Je crois en l’intelligence collective, la seule qui fasse vraiment avancer les choses.

J’ai confiance en l’action de proximité car nous avons besoin de plus de décentralisation et de démocratie locale pour restaurer le crédit de la parole publique.

Nous avons besoin, enfin, d’une solidarité plus forte et pleinement revendiquée avec nos aînés, avec les plus vulnérables, avec le Lot-et-Garonnais que la vie a laissé sur le bord du chemin.

Pour imaginer le Lot-et-Garonne de demain, il est urgent de construire un élan collectif car c’est dans le creuset des bonnes volontés que nous trouverons l’énergie de nous relever.

Ce matin, il s’est passé quelque chose ! Devant vous aujourd’hui, je prends l’engagement que cette journée d’échanges aura une suite.

Merci à toutes et à tous !

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